Opinion. « Je demande l’examen par le Parlement de ma proposition de loi abrogeant les textes coloniaux organisant et régissant l’esclavage »

PAR VICTORIN LUREL*

Huit ans après avoir fait abroger l’inique ordonnance du 17 avril 1825 par laquelle la France imposait à Haïti le paiement d’un tribut contre son indépendance ainsi que la loi d’indemnisation des colons de 1849, j’ai décidé de poursuivre ce combat moral et symbolique et de parachever ce travail d’effacement des dernières scories de notre droit en déposant une proposition de loi abrogeant les textes coloniaux organisant et régissant l’esclavage.

Saluant l’engagement ferme et résolu pris par le Premier ministre le 13 mai 2025 de présenter une loi d’abrogation du Code noir, j’ai tenu à y apporter une traduction législative concrète et plus large en proposant :

  • d’abroger le Code noir ;
  • d’abroger les Lettres patentes de décembre 1723 ou « Code noir des Mascareignes », par lesquelles le roi Louis XV a réglementé l’esclavage dans les colonies de l’île Bourbon et l’île de France (aujourd’hui La Réunion et l’île Maurice), par la suite appelées code Delaleu ou code jaune en 1777 à la suite des actualisations et mises à jour à travers le code Decaen publié en 1804 pour les Mascareignes ;
  • d’abroger la loi sur la traite des noirs et le régime des colonies du 20 mai 1802 (30 floréal an X) qui a permis à Napoléon Bonaparte de maintenir ou de rétablir l’esclavage en renonciation du décret du 4 février 1794 (16 pluviôse an II) qui avait aboli l’esclavage et la traite dans toutes les colonies de la République française ;
  • que le Gouvernement abroge les textes réglementaires concernant l’indemnisation des colons ou l’engagisme à La Réunion et à Maurice ;
  • que la France crée comité de personnalités qualifiées chargées de déterminer les préjudices subis et d’examiner les conditions de réparations dues au titre du crime de la traite et de l’esclavage.

Sans sombrer dans la repentance ou dans le dolorisme victimaire, je considère, comme nombre de philosophes, de juristes, d’historiens ou d’associations, que ces véritables monstruosités juridiques au fondement des pires théories racialistes et des ignominieuses législations de la
discrimination, de la ségrégation sociale et juridique et de l’exploitation humaine, doivent être abrogées.

Partageant l’engagement exprimé par le Premier ministre le 13 mai dernier, j’ai proposé au Gouvernement qu’il inscrive cette proposition de loi d’abrogation à l’ordre du jour du Parlement sur le temps gouvernemental.

Bien que dormants et inopérants, tous ces textes législatifs comme réglementaires demeurent en effet vivants dans notre corpus juridique. En mémoire de l’ensemble des victimes de génocides, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité et notamment des Africains réduits en esclavage, l’honneur de notre République serait de procéder à ces abrogations.

*Sénateur de la Guadeloupe, ancien ministre des Outre-mer

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