Haïti. Martissant, quatre ans après : l’anormal devient le normal accepté par les autorités

Quatre ans après que des groupes criminels ont envahi Martissant, dix présidents de la République, quatre Premiers ministres et trois directeurs généraux de la Police nationale se sont succédé à la tête de l’État haïtien. Aucun d’eux n’a fait la différence. Ce quartier emblématique qui relie la capitale à quatre autres départements reste un « no man’s land ». Depuis, comme l’écroulement d’un château de cartes, presque tous les autres quartiers de Port-au-Prince sont passés sous le contrôle des bandits.

Mardi 1er juin 2021. Les groupes armés de Village-de-Dieu et de Grand-Ravine entrent en guerre avec celui de Tibwa pour le contrôle de Martissant. Ils s’acharnent sur la population de ce quartier. Assassinats, viols, incendies des maisons et des entreprises, les bandits ouvrent le feu sur tout ce qui bouge…Dans les rues, les chiens et les porcs se rassasient des corps troués de balles. Attaqués eux aussi, les policiers du sous-commissariat de la zone ont pris la fuite et abandonné la population à son sort. 

En masse, les résidents de Martissant fuient la zone en catastrophe pour se réfugier dans un premier temps sur la place publique de Fontamara, ensuite au Centre sportif de Carrefour. Pensant que cette situation n’allait pas durer, certains, après quelques semaines, ont tenté de retourner chez eux. Ils ont vite compris qu’ils n’avaient plus de chez-eux à Martissant.

Aujourd’hui, les groupes armés se fédéralisent au sein d’un regroupement criminel appelé « Viv ansanm ». Ils ne se battent plus entre eux. Martissant devient un territoire de paix pour les bandits et un « no man’s land » pour ceux qui le fréquentent. 

La reprise de ce quartier n’est même plus un défi pour les autorités. Quatre ans après les attaques meurtrières des groupes criminels contre la population de ce quartier, les forces publiques n’ont aucun plan pour récupérer cette zone de Port-au-Prince.  

Dix présidents de la République, Jovenel Moïse et les neuf membres du Conseil présidentiel de transition; Edgard Leblanc Fils, Smith Augustin, Louis Gérald Gilles, Fritz Alphonse Jean, Laurent St-Cyr, Emmanuel Vertilaire, Leslie Voltaire, Régine Abraham et Frinel Joseph; quatre Premiers ministres, Claude Joseph, Ariel Henry, Gary Conille et Alix Didier Fils-Aimé; trois directeurs généraux de la Police nationale, Léon Charles, Frantz Elbé et Rameau Normil se sont succédé. Des promesses. Beaucoup de promesses. Mais aucun de ces chefs n’a fait la différence. Martissant reste et demeure un territoire perdu.

Pire. Comme l’écroulement d’un château de cartes, après Martissant la majorité des quartiers de Port-au-Prince et des communes limitrophes sont passés sous le contrôle des groupes criminels.

Dans un rapport publié le 1e juin, le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) souligne que depuis la perte de Martissant,  28 « territoires perdus » ont été recensés dont 25 dans le département de l’Ouest ;102 institutions publiques et 622 institutions privées ont été délocalisées, certaines vandalisées et d’autres incendiées ; 1 064 935 personnes déplacées internes ont été répertoriées ; 4 716 personnes ont été assassinées dont 136 policiers (assassinés et portés disparus) ; 3 363 personnes ont été kidnappées. 

Le CARDH indique que « lors de ces affrontements, au moins soixante personnes ont été tuées, au moins sept sur la route principale (de l’Église Sainte-Bernadette à Fontamara 43) ; au moins 15 à Martissant 2A ;  au moins 10 à Martissant 2B ;  au moins cinq à l’impasse Tempête ; au moins 15 de Martissant 1 à 23 (route Manigat) ».

« Cette réalité criante est le résultat du laxisme et de l’implication de la plupart des autorités qui se sont succédé et d’autres personnalités dans le développement de la criminalité en Haïti », a tancé le CARDH. 

Après Martissant, les groupes criminels de « Viv ansanm » se sont rendus compte qu’ils pouvaient occuper encore plus de territoires et c’est exactement ce qu’ils ont fait. Ils détruisent tout sur leur passage.

Port-au-Prince, la capitale d’Haïti devient une ville fantôme. Le Palais national, le Palais de justice, le Parlement, la Primature, l’Hôpital général, les ministères, la Banque centrale, sont entre autres institutions publiques qui se trouvent actuellement dans des territoires perdus à Port-au-Prince.

Source : Le Nouvelliste

Lien : https://lenouvelliste.com/article/256741/martissant-quatre-ans-apres-lanormal-devient-le-normal-accepte-par-les-autorites

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