La cour d’appel de Port-au-Prince a auditionné, mercredi 25 juin 2025, l’ancien Premier ministre.
La cour d’appel de Port-au-Prince a auditionné, ce mercredi 25 juin 2025, l’ancien Premier ministre a.i. Claude Joseph dans le cadre du dossier relatif à l’assassinat du président Jovenel Moïse. Pendant plusieurs heures, M. Joseph a comparu devant les juges, critiquant sévèrement l’ordonnance du juge d’instruction Walter W. Voltaire ainsi que le rôle du Premier ministre Ariel Henry.
À l’issue de l’audience, la cour a ordonné la suspension des débats et la levée du siège. La reprise est prévue vendredi 27 juin 2025.
« C’est une ordonnance bancale, conçue pour récompenser les assassins et les adversaires politiques », a déclaré Claude Joseph, désigné dans l’ordonnance du magistrat Voltaire comme suspect dans l’assassinat du président Moïse. « Le juge n’a pas osé écrire que le président s’est suicidé, parce qu’il aurait eu honte », a-t-il ajouté avec véhémence.
Chef du gouvernement au moment des faits, Claude Joseph s’est présenté comme » le Premier ministre le plus fidèle » au président assassiné. Devant la cour, il a mis en avant ses initiatives visant à faire la lumière sur ce meurtre qu’il qualifie de « crapuleux », tout en accusant le secteur privé haïtien et notamment l’ancien Premier ministre Ariel Henry d’avoir tenté de faire obstruction à la manifestation de la vérité.
Selon ses déclarations, sa lettre adressée à Antony Blinken sollicitant la présence du FBI, ainsi que la déclaration de l’état de siège sur le territoire national, témoignent de sa bonne foi. Il a salué l’action des enquêteurs américains, qu’il crédite de l’arrestation de nombreux suspects.
Claude Joseph a aussi dénoncé les entraves au sein de l’administration Henry, évoquant la révocation de l’ancien commissaire du gouvernement, Bedford Claude, et celle de l’ex-ministre de la Justice, Rockefeller Vincent. Il affirme que l’ex-Premier ministre Ariel Henry aurait exigé de consulter au préalable les mandats émis par Bedford Claude avant leur exécution.
Tout en se défendant qu’il n’a jamais interféré dans l’enquête de la DCPJ, même sous état de siège, il a insisté que la DCPJ a bénéficié de tout son appui, sans la moindre influence de ma part. Il a aussi regretté que le rapport de la DCPJ ne se prononce pas sur les appels téléphoniques présumés entre Ariel Henry et Joseph Félix Badio, l’un des suspects clés.
L’ancien chef du gouvernement a souligné qu’il n’a jamais eu de lien avec les personnes citées dans le rapport de la DCPJ. Il s’est également opposé à l’arrêté révoquant Rockefeller Vincent et Bedford Claude, refusant de le signer.
« Ma quête de justice pour le président Jovenel Moïse n’a pas cessé après mon départ de la Chancellerie », a-t-il affirmé, ajoutant avoir rencontré Luis Almagro, alors Secrétaire général de l’OEA, pour discuter du dossier.
Lors de l’audition, le ministère public a pointé du doigt ce qu’il considère comme un désintérêt manifeste de Claude Joseph dans le dossier, malgré la déclaration de l’état de siège. Une divergence d’interprétation est apparue. Pour le ministère public, cette mesure visait à concentrer les pouvoirs entre les mains du Premier ministre, tandis que Claude Joseph affirme qu’elle visait à renforcer les institutions.
« L’état de siège ne donne pas les pleins pouvoirs à un individu mais aux institutions. Cela ne peut servir de prétexte pour interférer dans la justice », a-t-il déclaré, réaffirmant sa coopération dans le cadre de l’enquête.
« Qui avait un réel intérêt à faire assassiner le président Jovenel Moïse ? », s’est-il interrogé, estimant que le juge Voltaire a manqué une occasion de faire éclater la vérité, peut-être sous pression politique.
L’ex-Premier ministre a également déploré que les fonds révélés par un ressortissant dominicain — plus de 20 millions de dollars qui auraient servi à planifier l’assassinat — ne soient pas mentionnés dans l’enquête.
« Ce que je sais, c’est que le président Moïse avait des positions fermes contre certains secteurs dominés par des groupes et des familles puissantes. Il n’a jamais hésité à dénoncer ce monopole et à rompre des contrats juteux », a-t-il rappelé, tout en affirmant n’avoir « jamais été dans le camp des assassins ».
Claude Joseph indique s’être attiré de nombreux ennemis politiques en raison de sa détermination à obtenir justice pour Jovenel Moïse.
Après plusieurs semaines consacrées à l’audition des 17 Colombiens incarcérés pour leur implication présumée dans l’assassinat, la cour d’appel de Port-au-Prince a entamé ce nouveau cycle avec Claude Joseph, un personnage central visé dans l’ordonnance du juge Voltaire.
À ce jour, ni les Colombiens ni Joseph Félix Badio n’ont reconnu leur responsabilité dans le meurtre du président, survenu dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021.
La cour prévoit également d’auditionner plusieurs autres personnalités, dont l’ancienne Première dame, Martine Moïse.
La reprise de l’audience de Claude Joseph est confirmée pour vendredi 27 juin.
Source : Le Nouvelliste