Guadeloupe. Agriculture : « Nous sommes la région d’Outre-mer qui a la plus grande capacité de reconquête d’espaces agricoles », affirme Rodrigue Trèfle

Le Sénat vient de rendre public le rapport de sa commission chargée de travailler sur la valorisation du foncier agricole Outre-mer. Rodrigue Trèfle, président de la SAFER de Guadeloupe, commente.

Le Sénat tend à renforcer votre capacité d’intervention pour la valorisation du foncier agricole, qu’en pensez-vous ?

C’est une bonne chose que la commission du Sénat ait pu prendre en compte la problématique foncière est en Outre-mer. De plus, les rapporteurs ont insisté sur la problématique de la Guadeloupe puisqu’ils ont mentionné les éléments que nous avions donné lors des auditions devant la commission il y a quelques semaines.

C’est bien qu’ils aient décidé de tenir compte de la situation économique des Outre-mer pour trouver une source de financement autre que le financement institutionnel d’autant que le marché foncier en Guadeloupe est assez restreint comparativement aux possibilités dans l’Hexagone.  

Nous avions demandé à ce que l’on puisse émarger sur la taxe spéciale d’équipement, TSE, pour pouvoir accompagner la volonté de l’État de permettre l’installation des jeunes en donnant les moyens financiers aux SAFER pour acquérir du foncier.

Ceci est un très bon point au niveau financier pour des SAFER qui n’ont pas beaucoup de moyens.

Le Sénat souhaite un audit des terres en friche qui appartiennent à l’Etat et aux collectivités. Est-ce que ceci peut faire avancer le dossier ?

Pour ce qui est de la possibilité de donner l’accès au foncier, nous constatons que les sénateurs ont mentionné l’idée de faire l’expertise du foncier appartenant aux collectivités et à l’Etat.

C’est vrai que, pour ce qui est de la Guadeloupe, l’État n’a pas trop de terres agricoles, pour ne pas dire qu’il n’en a pas du tout à ma connaissance. Par contre, c’est vrai que, pour les collectivités comme le Département, plus gros propriétaire foncier de la Guadeloupe, ce serait une très bonne chose si l’on pouvait effectivement faire un état des lieux précis et permettre qu’on puisse donner l’accès aux jeunes à des terres par le biais d’un bail.

Pour protéger les espaces sensibles, l’Etat a mis en place une commission qui donne son avis sur les déclassements possibles ou pas. Les sénateurs voudraient plus de souplesse. Qu’en est-il en Guadeloupe ?  

Les sénateurs ont abordé effectivement ce volet de l’avis conforme qui est donné par la Commission Départementale de Protection des Espaces agricoles et Forestiers, CDPNAF. Cette commission protège les espaces naturels, agricoles et forestiers.

Les élus d’Outre-mer, et plus singulièrement ceux de la Guadeloupe, estiment que cette commission a trop de pouvoirs, puisqu’elle a la capacité, lors des projets de déclassements de terres pour urbaniser autour des bourgs que les maires soumettent à l’État, de dire qu’elle ne donne pas son accord pour déclasser les espaces agricoles.
C’est vrai que les politiques de Guadeloupe pouvaient penser que c’était donner trop de pouvoirs à l’État Outre-mer parce que, dans l’Hexagone, l’avis qui est émis n’est pas automatiquement suivi par l’Etat.

Les élus de Guadeloupe ne veulent plus d’un régime différent de celui de l’Hexagone, surtout quand il pénalise les Outre-mer.

Il faut noter un bémol, c’est qu’il y a néanmoins en Guadeloupe la tenue d’un pré-comité avant la réunion de la Commission Départementale de Protection des Espaces agricoles et Forestiers en Guadeloupe. Ce pré-comité débat de l’opportunité de déclasser ou pas. Il s’agit à ce moment-là d’une discussion entre les services de l’Etat et les mairies pour pouvoir arrêter un accord sur les surfaces que l’on pourrait déplacer ou pas.

Les autres actions qui ont été proposées par le Sénat sont pour certaines essentiellement des actions qui concernent la Guyane.

En Guyane, les terres qui pourraient être mises en activité agricole appartiennent à l’État pour leur plus grande partie. C’est vrai que ça serait plus facile pour l’État de mettre à disposition son foncier ou permettre l’installation de jeunes agriculteurs là-bas.

Est-ce qu’on a une idée de la surface agricole qui est en friche actuellement en Guadeloupe ?

On a fait une évaluation et l’on estime à peu près à 9 000 hectares de terrains qui sont en friche et qui pourraient être mis en valeur.

Je donne l’exemple de Petit-Canal où des terres ont été longtemps en friche et sont de nouveaux en voie d’être valorisées. Il y a une Commission départementale d’aménagement foncier qui intervient. Cette commission a été mise en place il y a 4 ans mais a connu un temps d’arrêt au moment du changement de gouvernance au Département. Depuis quelques mois, c’est reparti, les choses avancent.

A combien estime-t-on la surface actuellement exploitée pour des productions agricoles ?

Il y a, en Guadeloupe, et je compte toutes les surfaces agricoles de l’archipel, 31 800 hectares en cultures diverses.

La Guadeloupe, avec les 9 000 hectares en friche et qui pourraient être valorisés est la région d’Outre-mer qui a la plus grande capacité de reconquête d’espaces agricoles pour tendre vers une certaine suffisance alimentaire.

Sait-on combien de terres agricoles en culture ou en friche sont, chaque année, grignotées par l’urbanisation ?

Depuis la mise en place du Plan Local d’Urbanisme, PLU, nous constatons qu’il y a un frein dans l’urbanisation de terres agricoles. Nous avons recensé 800 hectares perdus pour l’agriculture en 10 ans, ce qui est nettement moins que ce qu’on vu dans les années 1990-2000.

Que vont devenir les recommandations du Sénat ?

Ces recommandations sont très importantes pour l’Outre-mer. Elles devraient être présentées lors du prochain Comité interministériel des Outre-mer, CIOM, le 6 juillet. Si elles sont adoptées, c’est un grand pas pour la valorisation du foncier agricole Outre-mer. Et aussi pour l’économie locale.

André-Jean VIDAL
aj.vidal@karibinfo.com

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