Guadeloupe. Politique : front commun contre la suppression de l’octroi de mer

Branle-bas de combat autour de l’octroi de mer avec réunions intensives d’un atelier régional pendant une semaine et restitution devant la presse vendredi 8 mars. VOIR LE DOCUMENT FINAL EN BAS DE L’ARTICLE

Marie-Luce Penchard, Ary Chalus, Denis Céleste (directeur général adjoint à l’économie) et Jean-Louis Francisque. @AJV

C’est un débat chez les élus des Outre-mer et à Bercy, dans le cabinet de Bruno Le Maire, ministre de l’Economie. L’octroi de mer pourrait voir ses derniers mois.

« Mensonge d’Etat », « Contre-vérités », « Risque de diminution des recettes », « Volume des marchés publics diminué. »

Ainsi parlait… Marie-Luce Penchard, vice-présidente de la Région, ancien ministre des Outre-mer — elle connaît doublement le sujet — qui, avec Jean-Louis Francisque, conseiller régional qui a la compétence finances publiques dans son escarcelle, ont travaillé et présenté un document rédigé avec un cabinet spécialisé, après concertation avec le monde économique.

Marie-Luce Penchard :

De quoi s’agit-il ? De répondre au rapport d’évaluation de politique publique intitulé « L’octroi de mer : une taxe à la croisée des chemins », rédigé par des magistrats de la Cour des Comptes (CDC).  Il fallait répondre en 5 pages maximum, obligation imposée par la CDC mais en diminuant le corps (la taille des caractères) du texte, les rédacteurs régionaux ont pu faire tenir au chausse-pied une dizaine de pages.

Le rapport, lu et relu par les observateurs et les élus, est, comme « à charge. »

On sent la volonté du gouvernement de supprimer cette taxe locale. Il y a deux octrois de mer, l’Octroi de mer et l’octroi de mer régional qui sont tous les deux versés par les Douanes et administrés par la Région.

Pourquoi ? Quand on pose la question aux élus, ils répondent : « Parce qu’on voit bien que le gouvernement cherche de l’argent partout et le milliard de l’Octroi de mer l’intéresse ! » Bien vue. A ce titre, et c’est le président de Région, Ary Chalus qui le fait remarquer : « Il faut faire attention, on va voir disparaître aussi la TICPE avec les voitures électriques ! »

Ary Chalus :

On comprend son inquiétude : la TICPE c’est la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Depuis 2006, une partie de la TICPE est affectée au budget des régions, dans la limite de 1,15 centime pour le gazole et de 1,77 centime pour l’essence. Par ailleurs les régions peuvent majorer la TICPE dans la limite de 1,35 centime pour le gazole et de 0,73 centime pour l’essence. Moins ou plus d’essence plus de taxe spécifique !

Pourquoi le gouvernement voudrait-il supprimer cette taxe locale qu’est l’octroi de mer ? Parce qu’elle serait supposée être la cause d’un renchérissement exacerbé des produits de consommation locale qui sont pour leur plus grande partie importés.

Or, Johnny Hajjar, député de la Martinique, qui a été chargé d’étudier et d’auditionner les acteurs de l’import-distribution dans les Outre-mer a déduit que 7% du prix c’était l’octroi de mer, 37% du prix c’était les coûts de transport, manutention, stockage et la marge du vendeur.

D’ailleurs, comme il l’a révélé (voir plus haut), Ary Chalus a officiellement demandé une enquête parlementaire sur cet aspect du coût exacerbé de la vie Outre-mer.

L’auditoire est peu nombreux mais d’autant plus attentif. @AJV

Que dit l’étude réalisée par le cabinet Action Publique Conseil, de Nadia Damardji ?

« Alors même qu’elle est autorité de gestion de l’octroi de mer, la Région Guadeloupe, comme les acteurs guadeloupéens, ont très peu été associés aux diverses démarches engagées par l’Etat depuis 2019 visant à dénigrer le dispositif et selon lesquels l’octroi de mer est responsable de tous les maux et plus particulièrement celui de la vie chère.
En juillet 2023, à l’occasion du CIOM, une réforme de l’octroi de mer est annoncée par l’Etat comme une évidente nécessité, sans que la Région Guadeloupe, ni aucun autre acteur, n’en ait exprimé le moindre besoin. »

S’il n’est pas a priori question de refuser toute discussion, encore faudrait-il que discussion il y ait et non l’imposition d’une réforme bricolée au détour d’une loi de finances, adoptée avec le soutien de l’article 49.3. Passé muscade !

Mme Damardji a rappelé que toutes les parties concernées ont été auditionnées : élus des communes (c’est à eux que va l’essentiel du produit de l’octroi de mer), producteurs locaux, importateurs/distributeurs, consommateurs.

Quels principes sont ressortis de ces discussions ?

Les acteurs se sont unanimement prononcés sur 4 principes fondamentaux :

. LE MAINTIEN DE L’OCTROI DE MER : la taxe et son produit doivent rester sous AUTORITÉ DE GESTION de la Guadeloupe et au service de son propre développement

. Toute évolution en vue de l’OPTIMISATION DU DISPOSITIF doit :

  • Emaner de BESOINS FORMULÉS PAR LES ACTEURS GUADELOUPÉENS eux-mêmes
  • Donner lieu à ÉTUDE D’IMPACT PRÉALABLE et démontrer LES AVANTAGES qu’elle procure au territoire

Le CALENDRIER imposé par l’Etat est :

  •  Anormalement PRÉCIPITÉ
  •  Fait peser d’importants RISQUES sur un écosystème aux équilibres délicats bien que maîtrisés par la Région Guadeloupe INCOMPATIBLE avec le calendrier européen
  •  La perspective de l’inscription d’une « réforme » en PROJET DE LOI DE FINANCES est : À REJETER absolument compte tenu du risque de passage en force (49.3)

. Le risque d’un passage en force par ordonnance doit aussi être écarté

. Seule UNE LOI SPÉCIFIQUE effectivement débattue pourrait être envisagée.

(Les majuscules sont celles du document)

Nadia Damardji :

S’il fallait toucher à l’octroi de mer, ce devrait être à la marge, concède Nadia Damardji. Pour améliorer la taxe.

Comment alors optimiser cette taxe ? En développant la production locale, en intégrant le consommateur comme acteur majeur du développement régional, en sécurisant le budget des communes et faire en sorte d’accroitre leur niveau d’investissement, en optimisant le dispositif :

Renforcer les conditions de suivi du dispositif.

▪ Mieux éclairer les décisions de la commission ad’hoc et exiger que la Région ne soit plus soumise au secret statistique (révision de la Loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques)

▪ Assurer la mise en place effective du Marché Unique Antillais (MUA)

▪ Diminuer les effets d’aubaine (détournement de trafic) entre les deux territoires. Cette formulation pourrait être améliorée, a demandé un intervenant, représentant du syndicat des transitaires, Louis Collomb.

▪ Mettre en cohérence les tarifs et les dispositifs d’exonération au sein du MUA et exiger que la Région dispose des statistiques d’échange au sein du MUA, statistiques qui fondent le calcul des reversements.

Donner la parole à un maire, en l’occurrence Edouard Delta, d’Anse-Bertrand, semblait naturel : les communes sont bénéficiaires à proportion du nombre d’habitants, de l’octroi de mer revers par la Région : part non négligeable du budget, comprise entre 26 et 42%.

Edouard Delta :

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