Opinion. La fermeture du Centre des Métiers d’Arts est une page honteuse de l’histoire de la ville

PAR JACQUES BANGOU*

Quand la municipalité conduite par Henri Bangou entreprit il y a 58 ans de sortir la ville de Pointe-à-Pitre de l’état de délabrement dans lequel elle pourrissait plusieurs objectifs ont conduit les hommes et les femmes de cette équipe.

Faire du cloaque existant alors, le nouveau centre d’une ville moderne et en premier lieu donner un cadre sanitaire sain aux Pointois qui vivaient dans la misère absolue. Ce fut chose faite. Mais en Guadeloupéens engagés ils ont également posé les bases pour donner non pas aux seuls pointois mais à la Guadeloupe entière, à l’occasion de cette rénovation urbaine d’exception, ce que trois siècles de colonialisme n’avaient pas su apporter ou avaient volontairement refusé d’apporter aux Guadeloupéens.

Une volonté d’émancipation totale par le biais de la culture, du savoir, un épanouissement par le sport, une accessibilité aux plus humbles. Il s’en est suivi des écoles dans tous les quartiers, des bibliothèques municipales (les 1eres en Guadeloupe !) qui ont servi au-delà des limites de la ville, un Hall des sports querellé par le sous-préfet de l’époque et défendu par les habitants, un centre des Arts, des musées, un hall d’exposition du bicentenaire et en 1973… un Centre Des Métiers d’Art.

La volonté politique alors inscrite pour ce dernier était de préserver un savoir-faire populaire d’artisanat d’art et y puiser là, peut-être, une filière économique dans un pays laminé par le chômage, la fermeture des usines et sauver quelques-uns de nos compatriotes de l’expatriation forcée par le BUMIDOM qui saignait le pays de ses forces vives.

Un bâtiment fut construit à cet effet. Mais au-delà des ateliers d’artisanat d’art ce centre devint rapidement une véritable école. Elle a ainsi formé la première génération d’enseignants d’art permettant à une dizaine d’entre eux à leur tour de former au sein de l’Education Nationale les générations suivantes d’élèves partout en Guadeloupe.

Puis s’est mise en place une classe préparatoire aux grandes écoles d’art, d’infographie, d’architecture… Cette classe prépa est devenue le fleuron de la Guadeloupe arrivant progressivement à près de 100% de réussite à des écoles de plus en plus prestigieuses. Classe qui a servi tout le pays Guadeloupe et ses enfants.

On y a vu même des enfants de hauts cadres de l’Etat y faire leur préparation. La ville de Pointe-à-Pitre a d’abord géré en direct le centre à ses débuts puis en a confié la gestion à une association en capacité théorique de s’ouvrir à d’autres aides fort du service rendu au-delà de la ville à toute la population tout en en gardant l’esprit d’un équipement municipal. La ville, pour assurer la survie de cet équipement, a été attentive et répondu pendant plus de cinquante ans aux interpellations des agents de l’Etat.

En sortant les élus de la présidence, puis en rendant leur présence minoritaire pour assurer l’indépendance de gestion de l’association. Et surtout sur le plan budgétaire elle a réduit drastiquement au fil des ans le personnel mis à disposition afin de rendre l’association plus autonome financièrement. Mais, elle a été ferme dans le dialogue avec les autorités pour la sauvegarde de ce patrimoine porteur de sens, d’identité, d’histoire pour la ville et la Guadeloupe.

Parce qu’un élu guadeloupéen est d’abord au service de son pays avant d’être l’exécuteur zélé d’agents extérieurs forts de la vision qu’ils ont de leurs directives mais porteurs d’une histoire qui n’est pas la nôtre. L’équilibre précaire mais réel en attendant des changements de politique des assemblées majeures qui puissent augurer de leur soutien au CDMA avait ainsi permis à l’association de fonctionner remarquablement et avec succès jusqu’à ce jour.

La décision de Harry Durimel et sa majorité de pousser l’association à la faillite en créant ex-nihilo un loyer rétroactif conduisant à une facture de 900 000 euros est une lâcheté.

C’est un crime contre une politique émancipatrice de la Guadeloupe et des Guadeloupéens portée historiquement par une ville quand elle en a eu l’opportunité et non relayée par les assemblées locales.

Quand le maire actuel avait besoin du président de la Région en période électorale pour venir le dimanche à grand renfort de publicité boucher quelques trous dans la voirie municipale il savait où le trouver mais il ne sait plus le faire quand il s’agit de faire vivre une institution, un patrimoine guadeloupéen sur la base des compétences actuelles de l’assemblée Régionale.

La fermeture du CDMA est une page honteuse de l’histoire de la ville. Une chasse aux sorcières inacceptable.

Il n’est pas trop tard pour mobiliser l’opinion pour y faire échec.

*ancien maire de Pointe-à-Pitre

Pour équilibrer cette opinion : https://www.karibinfo.com/news/guadeloupe-centre-des-metiers-darts-cma-halte-a-la-desinformation-affirme-harry-durimel/

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