Opinion. La France doit-elle se construire contre la volonté des citoyens ?

Plus de 70 personnalités publiques, responsables politiques, parlementaires et élus locaux cosignent une tribune sur l’élection présidentielle et la question territoriale.

Gustave Alirol, cosignataire de la tribune.

L’Alsace doit-elle sortir du Grand-Est pour redevenir une Région à part entière ? C’est la question qui est posée, sous forme de consultation citoyenne, jusqu’au 15 février, par la Collectivité Européenne d’Alsace à ses habitants.

Car, sept ans après la promulgation de la loi relative à la délimitation des régions, l’effacement de l’Alsace de la carte des régions ne passe toujours pas. Et pour cause. La réforme a été adoptée contre l’avis des Alsaciens et celui de leurs élus, depuis Paris, par un gouvernement et des parlementaires qui dans l’immense majorité n’étaient pas concernés personnellement par le sort de l’Alsace.

Combler un déficit démocratique

Délibération commune du Conseil Régional Alsace et des Conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, manifestations, pétitions, sondages, l’opposition des Alsaciens ne souffrait d’aucune ambigüité. Pourtant, l’Alsace a été absorbée dans le Grand-Est… malgré elle.

Quand on connait le poids de l’Histoire en Alsace, une région ballotée entre la France et l’Allemagne, dont les habitants ont changé quatre fois de nationalité en 80 ans sans jamais avoir été consultés, on peut comprendre le ressenti du peuple alsacien face à cette décision arbitraire. La consultation citoyenne lancée par la Collectivité européenne d’Alsace tente de combler un réel déficit démocratique. On ne peut que la saluer et souhaiter qu’elle débouche sur une loi pour sortir l’Alsace du Grand-Est. Il s’agit non seulement de faire que la Collectivité Européenne d’Alsace soit dotée des compétences régionales, mais également que les services de l’État soient à nouveau organisés sur le périmètre alsacien (…).

Inscrire les institutions dans les réalités des territoires

A travers l’Hexagone, les aspirations territoriales sont nombreuses et variées : création de région à part entière en Savoie et en Auvergne, d’une collectivité territoriale à statut spécifique au Pays Basque réunification comme en Bretagne, changement de nom comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur ou dans les Pyrénées-Orientales, et en définitive plus de compétences et d’autonomie en particulier en Corse, mais de manière générale pour l’ensemble de ces collectivités.

Ces revendications populaires expriment la volonté d’inscrire les institutions dans les réalités culturelles, historiques, géographiques et économiques des territoires. La France du XXIe siècle doit-elle continuer à se construire contre ses réalités régionales et contre la volonté de ses citoyens ? La réponse est non. Dans une démocratie, cette question ne devrait même pas se poser.

L’autonomie, un impératif

Réconcilier les collectivités locales avec les identités régionales, et leur donner l’autonomie, est un impératif. Allier liberté et responsabilité est un facteur de réussite aussi bien dans le monde de l’entreprise qu’en matière d’éducation.

En matière politique, la différenciation et l’autonomie sont partout la règle au sein de l’Union européenne. Le centralisme français est un anachronisme que personne ne nous envie parmi nos voisins.

L’autonomie, c’est-à-dire la capacité effective de mener en responsabilité devant les électeurs des politiques adaptées à chaque territoire, est non seulement un droit fondamental, mais un atout pour une vie démocratique saine et un développement socio-économique et culturel adapté. Ses principes sont encadrés depuis la fin des années 80 par la Charte européenne de l’autonomie locale que la France a ratifiée, mais n’applique pas.

Nos voisins sont non seulement des pays fédéraux ou à large autonomie, mais également plurilingues. La défiance de l’État français vis-à-vis des langues dites régionales est incompréhensible dans un monde où le plurilinguisme est la règle. Faut-il rappeler que, n’ayant pas ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, la France ne remplirait même pas les conditions pour intégrer l’Union européenne si elle devait soumettre son adhésion aujourd’hui ?

Un processus de recentralisation

Alors que l’on s’apprête à fêter le quarantième anniversaire des premières lois de décentralisation dites loi Deferre, la France est engagée depuis trois quinquennats dans un processus de recentralisation (suppression de l’autonomie fiscale, baisse des dotations, spécialisation des compétences, redécoupage forcé, etc.). Jamais la tutelle de l’État sur les collectivités, notamment au moyen du renforcement du rôle des préfets, n’a été aussi pesante.

La crise sanitaire a mis en exergue l’inefficacité de la centralisation et ses pesanteurs face à une crise nécessitant souplesse et rapidité d’action.

Quant à la crise des Gilets jaunes et l’abstention record aux dernières élections, elles ont démontré que les citoyens ne se reconnaissent plus dans les institutions à bout de souffle de la cinquième République.

Réinitialiser le logiciel jacobin

La campagne de l’élection présidentielle est le moment opportun pour aborder les problèmes de fond et définir des perspectives démocratiques radicales mais nécessaires.

La réforme des institutions doit être la mère des réformes. Pour relever les défis économiques, sociaux, environnementaux et politiques qui s’annoncent, le modèle centraliste – coercitif et pyramidal – doit laisser la place à un modèle matriciel, basé sur l’adhésion des citoyens et l’autonomie. Cela passe par le fédéralisme différencié, le renforcement du pouvoir du Parlement et l’instauration d’une part de démocratie directe sous forme de référendum d’initiative populaire.

Dans une campagne où les idées neuves se font rares, nous appelons de nos vœux l’émergence d’un candidat qui saura radicalement rompre avec le logiciel jacobin.

Les signataires : Jean-Félix Acquaviva (député), François Alfonsi (eurodéputé), Gustave Alirol (président de Régions et Peuples Solidaires), Jean-Christophe Angelini (maire de Portivecchju et conseiller territorial Assemblée de Corse), Jean-Philippe Atzenhoffer (docteur en économie, professeur à l’école de management de Strasbourg), Claude Barbier (adjoint au maire Viry), Jean-Luc Bennahmias (ancien eurodéputé), Jean-Michel Clément (député), Paul-André Colombani (député), Nadine Nivaggioni (vice-présidente Assemblée de Corse),Paulu-Santu Parigi (sénateur), Maxime Touze (conseiller municipal Douarnenez),Richard Schalck (conseiller municipal délégué Colmar), Ana Sohier (conseillère régionale Bretagne), Jean-Daniel Zeter (ancien conseiller départemental Bas-Rhin)…
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